Faut-il démissionner ou affronter les défis présents ? (Papa Issa GAYE)

Le Sénégal a connu ces derniers jours des scènes de violence sans précédent, entraînant des morts, des saccages, des destructions et même des viols.

 

Cette situation est entretenue par une frange de politiciens, d’un nouveau type, qui a imposé une stratégie de manipulation de la population et de terreur envers l’élite politico-religieuse traditionnelle. On en est arrivé au stade où certains intellectuels n’ont plus le courage de donner un avis critique, sans parti pris, sur les maux de la société.

De même, certains guides religieux, autrefois régulateurs sociaux, n’osent plus afficher une position tranchée sur ce que vit le pays.

 

Face à une telle situation, faut-il se taire, démissionner et laisser faire l’anarchie, la dictature d’une minorité vociférante ?

Ou bien est-ce un nouveau défi à relever pour cette jeune Nation dans sa quête d’accomplissement, qui a besoin d’un sursaut solidaire de ses fils et filles animés de bon sens pour l’aider à tenir debout, la soutenir et l’accompagner dans sa marche vers l’émergence ?

Parmi les tragédies qu’a connues notre pays durant les années 90, on peut citer les événements de Mandina Mancagne en 1997. Ce jour-là, plusieurs dizaines de soldats sénégalais sont tombés dans une embuscade du MFDC. À l’époque, j’avais esquissé quelques lignes dans mon cahier pour exprimer ma tristesse lorsque j’ai vu le douloureux reportage à la télévision nationale. Aujourd’hui, cette même tristesse m’inspire de témoigner ma désolation face aux récents évènements survenus dans notre pays.

En effet, la semaine qui vient de s’écouler a causé une énorme blessure à notre Nation. Une dizaine de personnes ont perdu la vie et les dégâts matériels restent incalculables. Ce niveau de violence n’a jamais été atteint auparavant.

Il est donc important de nous interroger mutuellement et de nous demander comment en sommes-nous arrivés là.

La tentative d’insurrection semble avoir été planifiée et exécutée selon un plan bien établi. L’objectif était visiblement de plonger le pays dans le chaos et la paralysie complète. Il y a même eu une tentative de sabotage des installations de fourniture d’eau de la capitale.

Mon Dieu ! À qui profite ce crime ?

Qui pourrait se vanter de tels actes ?

Heureusement, l’État est resté fort. Il a su rester debout, pour notre bien à tous et pour celui de nos proches. Dans d’autres pays, des événements moins graves ont fait tomber des régimes.

L’avènement d’un nouveau type d’acteurs politico-médiatico-religieux a favorisé un glissement dangereux de notre société vers la violence (verbale et physique), la haine, la manipulation et le déni. Certains d’entre eux ont décidé d’accéder au pouvoir dans un pays dont le futur semble prometteur grâce à l’exploitation de ses ressources pétrolières et gazières et qui montre les prémices d’une émergence amorcée.

Ces acteurs impudents trouvent facilement un terrain favorable à leur discours avec la prolifération des médias de toutes sortes, animés au quotidien par des personnes non formées au métier, qui s’accaparent de l’espace médiatique, transformant les salles de rédaction en plateaux de spectacles où tous les sujets sont abordés avec légèreté. Certains sujets essentiels et sérieux sont même tournés en dérision.

Pour ces médias, l’objectif n’est pas d’informer de manière juste et véridique, voire utile. La recherche du sensationnel est privilégiée au détriment de l’information pertinente. À la place d’un raisonnement argumenté, ce sont des jugements tendancieux basés sur l’émotion, le parti pris ou, pire encore, la démagogie et la mauvaise foi qui prévalent. La plupart des discours sont motivés par des intérêts crypto-personnels.

Pour compléter le tableau, il faut ajouter à ces groupes d’autres catégories de personnalités, d’“influenceurs” et d’activistes, en quête de privilèges. Pour la plupart d’entre eux, c’est un moyen de se faire remarquer, de se faire un nom et de profiter ultérieurement, sans hésitation, d’une position sociale, qui est leur unique objectif. Tous s’attaquent aux institutions politiques et même religieuses du pays. La conséquence de tout cela est la perte de notre modèle traditionnel de société, basé sur le dialogue et le « massla ».

De plus, ces changements ont conduit à la déconstruction et à la déconsidération des piliers traditionnels : l’État et les grandes familles religieuses qui constituent également le socle de notre société. En outre, la dictature de la pensée unique et le terrorisme des « grandes gueules » ne laissent aucune place à un raisonnement intellectuel solide. Souvent, la vérité est traitée comme fausse et le faux est partagé comme étant la vérité. Pour échapper aux insultes, tous ceux qui s’expriment sont obligés de se justifier.

Ainsi, pour se conformer à l’opinion dominante et éviter d’être attaqués par la foule, certains « intellectuels » osent demander la démission d’un président de la République démocratiquement élu avant même la fin de son mandat. Imaginons donc que dès le lendemain de chaque élection, des personnes réclament déjà la démission du président élu, l’accusant d’ambitions cachées.

Ces intellectuels, acteurs des médias, influenceurs et membres de la société civile détournent leur regard des destructions et des tentatives de déstabilisation et pointent un doigt accusateur vers le seul président de la République, qu’ils jugent comme le seul responsable des dégâts, des destructions et des morts, etc. Ils font preuve d’une cécité intellectuelle grave.

Si des intellectuels n’osent plus, à défaut de se révolter, condamner même les violences lorsque le temple du savoir est brûlé, que ses bibliothèques sont incendiées, à quoi devons-nous nous attendre pour l’avenir ?

Lorsque des guides religieux, autrefois respectés en tant que régulateurs sociaux, n’osent plus prendre position catégorique même lorsque des mosquées ou des maisons de citoyens honnêtes sont brûlées et saccagées, où allons-nous ?

Je m’affranchis de mon devoir de réserve que m’imposent mes fonctions, car je ne peux rester silencieux lorsque l’État qui m’a éduqué, soigné et permis de mener une carrière professionnelle honorable est attaqué par des foules animées de haine, vociférant l’insolence et le mépris envers les institutions nationales, les autorités religieuses, ainsi que les hauts dignitaires de l’armée, de la justice et de la Nation.

Il est donc urgent que les citoyens, animés par la recherche du bien-être commun, se rassemblent autour d’un idéal commun qui n’est autre que le salut de notre pays.

Ce défi doit être partagé par tous. Le rôle du gouvernement est de bien gouverner, de mener des politiques conduisant à l’émergence de notre pays, tandis que celui des citoyens consiste à aider les élus à mettre en œuvre les actions nécessaires pour assurer la stabilité et le développement de notre nation.

Pour conclure, je pense que tout citoyen épris de paix doit saluer l’immense espoir que nous nourrissons à l’égard du dialogue national en cours, qui, j’en suis sûr, permettra au Sénégal de réaliser une fois de plus une avancée démocratique majeure.

Cela redonnera un éclat à notre démocratie, malgré les violentes tentatives d’anéantissement que nous avons récemment subies.

A Dieu nous confions notre pays.

Papa Issa GAYE
pigaye@gmail.com

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