« Le développement ne peut être que celui de tout l’homme et de tous les hommes »
Il y a de cela 61 ans, l’Histoire politique de notre jeune République d’alors bascula avec sa première crise aux conséquences néfastes.
Le Président du Conseil du Gouvernement, l’homme fort du régime, le Président Mamadou Dia et certains de ses proches (4 ministres) sont arrêtés par suite d’un bras de fer avec des Députés de son camp qui voulaient voter une motion de censure sous la houlette du Président de l’Assemblée nationale, Monsieur Lamine Guéye. Il sera accusé de tentative de coup d’état, et le système bicéphale installé depuis l’aube des indépendances, est ainsi remisé aux oubliettes. Il faut dire que les choses s’étaient accélérées depuis le 8 du même mois avec un discours du Président du Conseil dans lequel il était question du « rejet révolutionnaire des anciennes structures » en plus des inquiétudes de certains milieux économiques.
De manière caricaturée, on pouvait ainsi dire que les « Senghoristes » avec Abdoulaye Fofana ont remporté la manche face aux « Diaistes » avec Obéye Diop comme tête de file dans cette crise plutôt institutionnelle. La supposée tentative de coup d’état ne sera jamais prouvée même si le Pr Mamadou et ses co-accusés seront condamnés à des peines de prison et une tentative de les effacer de l’histoire officielle amorcée.
D’aucuns avancent qu’à travers cette crise, ce sont deux conceptions antagonistes de la décolonisation qui s’affrontaient avec l’une basée sur « Les diverses voies africaines du socialisme » par une « mutation totale, aux fins de substituer à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement » et l’autre contre la politique qui « était en train d’apeurer les capitaux et qu’à la limite de les ferait fuir ».
Cette fabulation qu’est « la tentative de coup d’état » de celui qui avait tout le Pouvoir avec lui pour citer le Sage Cheikh Hamidou Kane aura pour conséquence une réforme constitutionnelle en 1963 qui donnera les pleins pouvoirs à Senghor et au Parti-Etat de l’UPS jusqu’au début des années 70 et stoppera net le développement économique du Sénégal qui a été amorcé avec le 1er plan conçu à la suite d’une mission des équipes du Père Lebret. Cette rupture fera l’affaire des milieux économiques français et d’une certaine classe maraboutique car le modèle de production agricole prônée, allait dans le sens de moins de dépendance des masses paysannes vis-à-vis de celle-ci et menaçait la mainmise de l’élite politico-religieuse sur l’économie de rente arachidière.
A côté d’une politique économique rigoureuse, Le Président du Conseil avait fait une tournée très remarque dans certains pays du bloc de l’Est en plus de nouer un partenariat et une coopération avec l’URSS de Nikita Khrouchtchev car conscient du fait que c’était à lui de déterminer la politique de la Nation.
Donc fondamentalement, la crise de décembre 1962 a été le dénouement d’un choc autour d’un choix de modèle de développement économique qui impacte jusqu’à nos jours sur la marche du pays.
L’austérité et la rigueur du Président du Conseil n’auraient-elles influencé notre rapport avec le Pouvoir et surtout mis le Sénégal sur les rampes du développement de manière résolue bien avant le Plan Sénégal Emergent du Président Macky Sall ?
Homme de refus, artisan de l’indépendance, le Président Mamadou Dia reste encore méconnu du grand public car la dizaine d’années passées à la prison de Kédougou ont été mises à profit par le Président Senghor et son régime pour le faire oublier alors qu’en réalité, il est le Père de l’Etat du Sénégal.
Á l’heure de la montée des périls comme il nous le rappelait inlassablement et des menaces qui guettent la sous-région en général (terrorisme, salafisme, coups d’état) et le Sénégal dernier verrou sur l’océan Atlantique et futur grand producteur de gaz et pétrole en particulier, il convient de revisiter avec intelligence cette page de notre Histoire politique récente. Donner le nom d’un local associatif au Grand Maodo, afficher son portrait lors d’un monologue sur Facebook ou YouTube, insulter les Institutions dont nous nous sommes dotées ne signifient nullement être de son école politique adossée à des valeurs profondément humanistes et citoyennes.
Rendre à César ce qui est à César une exigence plus qu’historique dans un pays en crise de civisme, de citoyenneté et de patriotisme avec une certaine classe politique composée en grande partie d’aventuriers et d’entrepreneurs à la solde de certains lobbies financiers.
Ben Yahya SY
Petit-fils et disciple du Grand Maodo
sybenyahya@hotmail.com