Intervention de Mamadou Moustapha BA au Forum sur le financement de l’action climat

Mesdames, Messieurs,

Chers Partenaires,

Chers invités,

Le changement climatique, première menace de l’existence de l’humanité depuis

2015, est devenu réel et se fait sentir par ses effets dans toutes les parties du monde,

toutes régions confondues.

Au Sénégal, les enjeux et défis du changement climatique sont, entre autres,

l’irrégularité de la pluviométrie avec la fréquence des inondations et des sècheresses

par endroit, la hausse des températures, l’avancée du désert et l’érosion côtière.

A cet effet, l’identification et l’évaluation des causes et des impacts du changement

climatique ainsi que leur financement ont été des préoccupations majeures des

initiatives nationales visant à réduire ses effets comme l’empreinte carbone de

l’économie sénégalaise. Afin de faire face à ce défi, le Sénégal s’est doté d’une vision,

a défini des axes stratégiques et a fixé des objectifs précis à atteindre.

La vision du Sénégal se décline ainsi qu’il suit : « Un Sénégal résilient, responsable et

ambitieux dans le mouvement mondial vers le net zéro ».

Quatre axes stratégiques sont identifiés pour la mise en œuvre de cette vision, à

savoir :

✓ la mise en place de mécanismes facilitant et optimisant le financement public

de l’adaptation au changement climatique et à son atténuation ;

✓ le développement de la finance climatique et des financements durables dans

le secteur financier pour assurer la résilience et l’innovation en faveur de

l’atténuation au sein du secteur privé ;

✓ l’intégration des considérations environnementales dans la politique

économique ;

✓ et la collaboration avec les partenaires techniques et financiers dans la mise en

œuvre et le financement de la stratégie.

Les objectifs poursuivis visent à :

(1) gérer l’économie et les finances publiques en s’adaptant aux effets du

changement climatique par une planification rigoureuse des investissements

publics et privés ;

(2) mobiliser toutes les ressources propres, les financements innovants et les

ressources multilatérales et bilatérales pour une stratégie climatique

responsable et durable et à ;

(3) tirer tous les dividendes économiques découlant de la production de biens et

services nécessaires pour l’atteinte de l’objectif net zéro

Financement public de l’adaptation et de l’atténuation du changement

climatique

La réalisation de cette approche stratégique se traduit à travers plusieurs initiatives,

notamment l’élaboration de la Contribution déterminée au niveau national (CDN) et

plus récemment le Budget vert.

❖ Budget vert

Ce dernier document, annexe de la loi des finances de 2024, consiste en une double

approche de politiques fiscale et d’allocation budgétaire sensibles aux changements

climatiques.

Dans ce cadre, la politique fiscale se traduit dans le Budget vert par :

➢ des crédits, des déductions et réductions d’impôt pour les entreprises

contribuant à la préservation de l’environnement ;

➢ et la mise en place des taxes spécifiques sur les biens ou matières néfastes

à l’environnement.

S’agissant de la politique d’allocation budgétaire sensible au changement climatique,

un besoin de près de 100 milliards FCFA est nécessaire pour les projets d’atténuation

et/ou d’adaptation dans les secteurs de l’Elevage, l’Environnement, la Pêche,

l’Agriculture et du Transport (Transport en Commun, les Projets Bus Rapid Transit et

le Train Express Régional).

❖ Intégration du climat dans processus budgétaire

L’intégration du climat dans le processus de budgétisation constitue une priorité pour

l’Etat du Sénégal.

D’ailleurs, les plans stratégiques de développement (PSD) sont en train d’être révisés

pour prendre en compte l’aspect climat dans tous les projets d’investissement. Cette

condition figure parmi les critères retenus dans les évaluations ex-ante et ex-post des

projets.

Du point de vue normatif, en octobre 2023, le Gouvernement sénégalais a adopté le

décret portant réglementation du Cadre général de gestion des Investissements

publics, qui permet de renforcer le dispositif de gestion des investissements publics

(GIP).

Ainsi, tout projet d’investissement supérieur à 500 millions de FCFA est soumis à une

analyse environnementale avant son intégration dans le Programme

d’Investissements prioritaires (PIP).

Aussi, dans la phase de mise en œuvre du projet, un suivi physico-financier infra

annuel et annuel est fait afin de ressortir les résultats obtenus par rapport au plan

d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

 

Enfin, des évaluations ex-post sont effectuées pour déterminer la pertinence des

objectifs et le degré de réalisation et l’impact en termes de viabilité et de durabilité

relativement à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique.

❖ Gestion des risques budgétaires liés au climat

Relativement à la gestion des risques budgétaires liés au climat, le budget de l’État

pour 2024 s’est doté spécifiquement de 30,76 milliards de FCFA de « provisions pour

risques budgétaires » et d’un Fonds de Calamité d’un montant de 1,02 milliards de

francs (FCFA).

Dans ce même sillage, je rappelle que le Sénégal est membre de l’African Risk and

Capacity (ARC) depuis 2012 et a bénéficié d’un décaissement en 2014 dans le cadre

de la souscription à la Police sécheresse. Le pays expérimente depuis 2019 également

le Programme Replica et a bénéficiée en 2022 d’une mise en place d’une couverture

contre les impacts des pandémies. En perspective, le périmètre de la couverture des

risques sera élargi avec la prise en compte des inondations.

En termes chiffrés, le Sénégal dispose de huit (8) polices d’assurance dans le cadre

de l’ARC pour une couverture totale de 195 millions USD, et un décaissement total de

39 millions USD.

D’autres d’initiatives, appuyées par les Partenaires bilatéraux et multilatéraux

traditionnels du Sénégal, sont en cours de réalisation pour renforcer le dispositif

national existant intégrant ainsi la dimension changement climatique dans les

politiques publiques. Il s’agit, entre autres :

• de l’élaboration du Rapport national sur le Changement climatique et le

Développement (CCDR) avec l’appui de la Banque Mondiale ;

• de la stratégie de financement des risques de catastrophe et ;

• de l’adhésion à l’initiative Bouclier mondial ou Global Shield, lancée par les pays

du G7 et du V20 lors de la COP27 en novembre 2022.

Pour ce dernier point, je rappelle que la lettre d’adhésion du Sénégal a été signée et

envoyée au Secrétariat du Global Shield. Cette initiative vise à renforcer la résilience

financière des personnes et pays vulnérables face aux risques climatiques croissants.

Elle permettra de bénéficier d’appuis au titre du Fonds Fiduciaire du Bouclier mondial,

pour le renforcement du volet « adaptation/résilience » au changement climatique.

Global Shield dispose d’une dotation de 270 millions d’euros et fournit une

combinaison d’assistance technique et de soutien financier.

 

Je voudrais vous signaler que le document-cadre ESG n’intègre pas encore les

mécanismes de financement des risques de catastrophe. Mais, je vous rassure qu’une

stratégie de financement de ses aspects est en cours d’élaboration, avec l’assistance

de la Banque mondiale, pour élargir la palette des mécanismes de mobilisation de

ressources en faveur du Climat.

❖ Développement de mécanismes de financement innovants

La mise en œuvre des Contributions Déterminées au niveau National (CDN) et leur

mise à jour tous les 5 ans avec des objectifs toujours plus ambitieux nécessitent des

niveaux de financement à hauteur des besoins. Le Sénégal procédera ainsi à

l’élaboration de sa prochaine CDN en 2025.

Pour répondre à ces besoins de financement, le Sénégal se positionne pour participer

aux marchés internationaux du carbone et pour mettre en place un instrument national

de tarification du carbone. C’est dans ce contexte que s’inscrit le Partenariat pour la

mise en place de marchés du carbone (PMI) avec la Banque mondiale.

L’objectif de ce partenariat est de soutenir l’accès à de nouveaux financements de la

politique climatique avec l’accord signé entre la Banque mondiale et le Sénégal en mai

2023 pour un montant de 2 millions USD sur 2 ans.

Développement de la finance climatique et des financements durables dans le

secteur financier

Mesdames, Messieurs,

Chers Partenaires,

Chers invités,

❖ Développement de mécanismes d’assurance

L’implication du secteur financier dans la lutte contre le changement climatique et les

efforts d’adaptation est devenue plus que nécessaire, compte tenu du niveau de

vulnérabilité du Sénégal évoqué tantôt. Ainsi, le Programme d’Assurance et de

Gestion Financière des Risques de Catastrophe de la Banque mondiale revient sur le

contexte assuranciel de l’Afrique et sur les défis soulevés par le changement

climatique pour le secteur assurantiel dans la couverture de l’agriculture.

D’ailleurs, à l’issue d’un symposium relatif à ce programme, une des recommandations

fortes est d’engager davantage le secteur privé dans le financement des risques de catastrophe.

Dans ce cadre, la Compagnie nationale d’Assurance Agricole du Sénégal (CNAAS) a permis aux agriculteurs sénégalais de bénéficier de produits d’assurance associés aux risques de catastrophes naturelles. En 2022, cette compagnie a eu comme résultats

39 milliards FCFA de capital assuré, 2,5 milliards de primes perçues y compris la subvention et 1,5 milliards d’indemnisations payées.

D’ailleurs, l’inclusion de considérations climatiques est en train de devenir une réalité avec la mise en œuvre du Programme national d’Education financière.

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