« Quand quelqu’un fait semblant de mourir, il faut faire semblant de l’enterrer », estime l’économiste Kako Nubukpo, qui envisage quatre scénarios consécutifs au remplacement du franc CFA par l’eco.
La libération de la parole monétaire en Afrique Zone Franc, consécutive à l’annonce le 21 décembre 2019 à Abidjan (Côte d’Ivoire) de la fin prochaine du franc CFA et son remplacement par l’eco, donne lieu à tous les excès possibles et imaginables, surtout de la part des « combattants de la 25e heure », qui découvrent aujourd’hui que le franc CFA n’est pas une monnaie compatible avec l’émergence de l’Afrique francophone.
Mais s’il est important de continuer à mettre la pression sur le franc CFA, il est également indispensable de proposer les contours envisageables de la transition vers la monnaie de remplacement, l’eco, dont la (re)naissance fut annoncée le 29 juin 2019 à Abuja (Nigeria) par le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). À cet égard, quatre options – parmi d’autres – paraissent tenir la route pour marier les 15 États membres conviés au banquet de l’eco [1] :
L’eco, simple avatar du franc CFA
Ce schéma, qui semble avoir inspiré les déclarations d’Abidjan du 21 décembre 2019, est fondé sur le respect des critères nominaux de convergence et une attraction forte pour un régime de change fixe avec l’euro. Il parie sur l’élargissement progressif de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) aux économies de la Cedeao ayant le même profil d’exportatrices de matières premières agricoles que celles de ses membres.
Dans cette option, la centralisation des réserves de change est fondamentale, et c’est le principal acquis de l’histoire du franc CFA. Elle suppose une grande solidarité politique entre États membres et il ne faudra pas l’oublier en cas d’élargissement de la zone monétaire. De même, la question de la garantie extérieure, telle que la France l’exerce dans le contexte institutionnel du franc CFA, a une forte dimension politique : elle fonde la stabilité du système en théorie et en pratique.
Si l’on garde le principe de la centralisation des réserves, mais en recentrant leur gestion dans un autre cadre institutionnel, la souveraineté monétaire passe de la France à l’Uemoa puis à la Cedeao. Se pose également la question de la parité : elle a fait l’objet il y a quelques années d’importants travaux pour proposer un système de changes flexibles, ou mieux, ajustables, car fondé sur un index calculé à partir d’un panier de monnaies. L’annonce faite à Abidjan du maintien d’un change fixe avec l’euro à titre transitoire est le véritable point d’achoppement entre les tenants d’une monnaie flexible (Cedeao) et ceux d’un eco-CFA (Côte d’Ivoire et Sénégal).