Entretien avec Source A repris par ouragan
Source A : Votre département fait actuellement face à une série de grèves des Syndicats d’enseignants. Quel en est votre sentiment ?
Les enseignants demandent le respect des accords signés en 2018. Je voudrais signaler que l’Etat a beaucoup fait concernant le respect de ces accords. Je sais en général que ce qui intéresse les gens ce sont les trains qui n’arrivent pas à l’heure. Mais l’Etat a beaucoup fait. On est parti de 2014 où il y avait plusieurs points, plus de 30 points ; puis, en 2018, il y a cinq grands points avec des sous-points.
«Le régime indemnitaire, tel que évoqué, parlait de tous les agents de la Fonction publique. A ce moment-là, l’Etat avait commis un Cabinet qui avait constaté qu’il y avait des disparités. Même l’Inspection générale d’Etat (Ige) avait fait une étude»
Aujourd’hui, il y a essentiellement deux points qui expliquent la grève des enseignants. L’un est lié au Corps des administrateurs. Le deuxième a trait au régime indemnitaire. On entend par Corps des administrateurs tous les proviseurs, les censeurs, les surveillants généraux, les directeurs d’écoles, les principaux de Collège. L’Etat était en 2018 pour une approche fonctionnelle. Au lieu de créer un Corps, l’Etat était pour que celui qui est nommé principal, proviseur, soit formé dans certains domaines au niveau administratif, financier etc. C’est ce qui explique qu’elle n’a pas pu obtenir un début de solution.
Le deuxième point concernait le régime indemnitaire. Tel que évoqué, il parlait de tous les agents de la Fonction publique. A ce moment-là, l’Etat avait commis un Cabinet qui avait constaté qu’il y avait des disparités. Même l’Ige avait fait une étude. Pour la première fois, sur ces deux points complexes, c’est à la suite de l’avant dernier monitoring que nous sommes parvenus à trouver des solutions. S’agissant du régime indemnitaire, les syndicats ont accepté, au lieu de parler du régime indemnitaire, qu’on revoit les indemnités qui concernent les enseignants. Une semaine après, le gouvernement a sorti ses propositions.
Pour ce qui a trait au deuxième point qui concerne les administrateurs, l’Etat du Sénégal n’était pas en faveur de la création d’un Corps. L’Etat était pour une approche fonctionnelle. C’est-à-dire, un proviseur comme celui de Limamoulaye qui a 12.000 élèves a besoin d’être capacité en management, en finance, en administration. Les modules sont déjà terminés.
Source A : Donc, qu’est ce qui est à l’origine de ce blocage, vu que les enseignants n’ont pas encore annoncé la levée de leur mot d’ordre ?
Source A : Donc, qu’est ce qui est à l’origine de ce blocage, vu que les enseignants n’ont pas encore annoncé la levée de leur mot d’ordre ?
Mamadou Talla : Ce petit blocage est dû essentiellement au fait que les Syndicats d’enseignants disaient : «nous venons d’avoir ces propositions. Donnez-nous le temps de les étudier, d’abord, d’aller discuter avec la base pour mieux les comprendre.» C’est ce qui fait qu’ils sont repartis. Moi-même, j’ai vu qu’un autre plan d’actions est sorti. Mais ce n’est pas important. Les Syndicats ont fait une contre-proposition. Donc, ce mercredi, l’Etat aura les deux propositions pour aller vers un consensus. Le samedi, ce sera certainement la dernière réunion. A mon avis, on arrivera à un accord.
Mais je voudrais préciser, pour que les Sénégalais comprennent, que les points étaient nombreux. Avant, on parlait de lenteurs, mais ces lenteurs sont presque derrière nous. L’Education nationale a beaucoup fait. Le numérique aidant, aujourd’hui, les imputations sont faites partout. Avant, quand un enseignant se déplaçait pendant les vacances, quand il était malade, c’était extrêmement difficile. Cette question a été réglée.
«Les Syndicats ont fait une contre-proposition. Donc ce mercredi, l’Etat aura les deux propositions pour aller vers un consensus. Le samedi, ce sera certainement la dernière réunion. A mon avis, on arrivera à parapher un accord.»
Autre avancement : un enseignant, qui était inspecté, attendait beaucoup de temps avant de recevoir le PV. Maintenant, instantanément, nous pouvons l’avoir. Le paiement des indemnités pour les examens, la date butoir qui était dans les accords, c’est le 30 novembre. On l’a respectée. Donc, toutes les questions financières ont toujours été respectées. Je voudrais préciser une chose. On nous dit qu’il y avait des acquis, quand les indemnités de logements sont passées de 40.000 à 60.000. Mais le président de la République n’a pas augmenté que 20.000 francs. Il est passé de 60.000 à 100.000 francs, en un seul coup. Pour dire que, tous les engagements financiers ont été respectés.
«L’Etat a beaucoup fait : l’indemnité d’enseignement a été augmentée, les primes d’enseignement également à 100%, le relèvement à 100% de l’indemnité de recherches, l’augmentation aussi du contrôle et l’encadrement à 100%. C’est inédit.»
Le ministre des Finances a précisé l’autre jour que 171 milliards ont été déjà versés, plus 330 milliards et aujourd’hui 69 milliards. Donc, l’Etat a beaucoup fait. Quand on vous dit que l’indemnité d’enseignement a été augmentée, les primes d’enseignement également à 100%, le relèvement à 100% de l’indemnité de recherches, l’augmentation aussi du contrôle et l’encadrement à 100%. C’est inédit.
Source A : Ce n’est pas la première fois que l’Etat accède aux revendications des enseignants. Pourtant, il y a toujours des grèves. Que faut-il faire, selon vous, pour régler le problème, une bonne fois ?
Mamadou Talla : C’est un autre point extrêmement important. Le Sénégal est sur une dynamique de réussite. Nous voulons la maintenir. Ces grèves ne nous permettent pas d’avoir une école de la réussite. Quand on va sortir de ces grèves, il est important que Syndicats et Gouvernement signent un document qui leur permette d’avoir un système stable.
Source A : Aujourd’hui, le quantum horaire a été gravement impacté. Que prévoyez-vous de faire pour permettre aux élèves de rattraper les cours qu’ils ont perdus ?
Mamadou Talla : Cette année aussi, le nombre d’heures que nous avons perdues, nous allons les rattraper. Surtout que, depuis pratiquement trois ans, le quantum horaire est toujours respecté. Si on arrive à évaluer le nombre d’heures perdues, et qu’on regarde également où est ce qu’on en est avec l’année, rien ne nous empêche de demander à ce qu’il y ait un décalage de 15 jours, 20 jours, on ne sait pas encore. Mais ce qui est important aussi, c’est de se dire que, depuis trois années, nous ne sommes plus dans les 900 heures. Nous sommes à plus de 1200 heures.
«Ce que j’attends des enseignants, c’est de répondre à l’appel des élèves. Pour la première fois, on voit des élèves se mobiliser et dire nous voulons étudier. Ce que j’attends des enseignants, c’est également d’entendre l’appel des parents. Ce que j’attends également des enseignants, c’est ce qu’ils ont fait pendant la Covid. Ils ont montré aux Sénégalais qu’ils ne sont moins patriotes.»
Source A : Aujourd’hui, qu’est-ce que vous attendez concrètement des enseignants ?
Mamadou Talla : C’est de répondre à l’appel des élèves. Pour la première fois, on voit des élèves se mobiliser et dire nous voulons étudier. Ce que j’attends des enseignants, c’est également d’entendre l’appel des parents. Ce que j’attends également des enseignants c’est ce qu’ils ont fait pendant la Covid. Ils ont montré aux Sénégalais qu’ils ne sont moins patriotes que les forces de sécurité et de défense.
«Si on arrive à évaluer le nombre d’heures perdues, et qu’on regarde également où est ce qu’on en est avec l’année, rien ne nous empêche de demander à ce qu’il y ait un décalage de 15 jours, 20 jours, on ne sait pas encore.»
Source A : Certains comme votre prédécesseur au Ministère, Kalidou Diallo, préconisent des ponctions de salaires, si les enseignants refusent de retourner dans les salles de classes. Qu’en pensez-vous ?
Mamadou Talla : Les enseignants sont des fonctionnaires. Ils savent comment ça fonctionne. Les ponctions ont toujours été effectuées. Ils savent que les jours qui ne sont pas travaillés ne sont pas payés.
Source A : Est-ce qu’on doit s’attendre à des ponctions de salaires ?
Mamadou Talla : Pour le moment, je sais que cela a commencé au niveau de certains Corps. Et certainement, peut-être, cela va continuer. Mais c’est moins important par rapport à cette question de l’Education et de l’Ecole.
«Les enseignants sont des fonctionnaires. Ils savent comment ça fonctionne. Les ponctions ont toujours été effectuées. Ils savent que les jours, qui ne sont pas travaillés, ne sont pas payés. Je sais que cela a commencé au niveau de certains Corps. Mais c’est moins important par rapport à cette question de l’Education et de l’Ecole»
Source A : Est-ce qu’on doit aussi envisager que les 69 milliards proposés par l’Etat soient revus à la hausse ?
Le secteur de l’Education coûte 606 milliards F Cfa à l’Etat ; l’Enseignement supérieur, 270 milliards ; la Formation professionnelle à peu près 80 milliards F Cfa. C’est à peu près 1000 milliards que l’Etat du Sénégal met dans le secteur de l’éducation. Donc la soutenabilité n’est pas extensible. Il y a des limites.
Source A : Malgré la satisfaction des différents points de revendications des enseignants, le niveau des élèves est jugé bas. N’est-ce pas un paradoxe ?
Mamadou Talla : Il ne faut pas qu’on se cantonne uniquement à notre pays qu’est le Sénégal. Dans le monde, le niveau baisse. Aujourd’hui, nous avons le numérique. C’est un monde auquel nous devons nous habituer. Il faut utiliser le numérique pour combler ces lacunes.
Entretien réalisé par Daouda Thiam