Il faut protéger la presse contre la volonté de puissance et de contrôle du pouvoir sur les organes de presse. La presse est un service public essentiel.
L’UNIS dénonce l’instrumentalisation du fisc envers les organes de presse par les nouvelles autorités gouvernementales. Leur volonté proclamée de faire respecter les obligations fiscales à tous ne justifie pas cet acharnement qui commence à mener certains à la faillite. Cela ressemble à une stratégie de règlement de compte doublé d’une volonté d’étouffer la communication publique et de réduire la puissance d’influence des médias sur l’opinion.
C’est pourtant cette même presse que le nouveau pouvoir essaie de soumettre et contrôler qui a fait découvrir Pastef et son leader en l’exposant matin, midi au soir à l’opinion, lui permettant de faire passer son message politique.
L’UNIS rappelle que la presse est un service public, comme l’éducation et la santé, confié à des acteurs privés. Elle contribue à l’information et l’implication des citoyens dans les affaires publiques. Elle joue le rôle de premier dénonciateur des détournements publics. Elle permet aux citoyens de suivre les affaires de la cité. Elle aide l’Etat à faire passer ses messages sur ses politiques publiques et ses réalisations. Elle rend compte des positions de différents acteurs politiques, de la société civile et des citoyens relativement à leurs préoccupations directes. Elle rend compte de l’Etat de notre société dans ses grandes orientations et permet de mettre à niveau tous les citoyens sur défis et enjeux de l’heure.
Le chef de l’Etat avait lors de son face à face avec la presse réitéré le rôle important de la presse.
Elle a un impact plus important que l’IGE et la cour des comptes dans la lutte contre les prévarications en les dénonçant publiquement contrairement à ces structures passives. Elle a joué un rôle positif, important et essentiel dans l’alternance en mars 2024, jusque dans la diffusion et la transparence des résultats tout comme elle a joué un rôle similaire qui a favorisé les deux alternances en 2000 et 2012. Elle participe à l’éveil des citoyens et à l’essor de nouvelles forces politiques. Elle mérite donc bien plus de considération et de traitement équilibré pour assurer sa survie. Sans elle, les affaires publiques, économiques et politiques seraient inconnues du grand public. Elle est capable de faire et défaire l’opinion publique, incluant porter à la une un inspecteur des impôts pour en faire une coqueluche médiatique pendant plus de 10 ans sans même chercher à interroger la réalité du projet qu’il propose. Cette force publique est respectable et doit être respectée par le nouveau pouvoir qui en a maintenant peur et voudrait en faire un système sous contrôle parce qu’il connait précisément son pouvoir.
Cette volonté de puissance et de domination du pouvoir sur la presse ne doit pas être cautionnée par les acteurs soucieux d’équilibre et de l’indépendance de la presse, qui comprennent l’importance des contre-pouvoirs et garde-fous contre les régimes qui craignent la contradiction et l’opposition à leur dessein qu’ils placent au-dessus de tout.
Les emprisonnements pour délit d’offense ou propos diffamatoires ressortent de la même stratégie d’intimidation et de règlement de comptes envers des opposants et activistes. Ceux qui ont usé de leur liberté de défier, caricaturer et menacer le chef de l’Etat auparavant sans être arrêtés ne devraient pas cautionner ces abus de pouvoir.
Quant à la fiscalité exigée de la presse, elle est anachronique. Dans l’absolu, les structures qui reçoivent les subventions de l’Etat ou sont financées par l’Etat, tout comme les structures propres de l’Etat ne devraient pas payer d’impôt. Si la presse était un secteur privé comme un autre, elle ne recevrait pas de subventions de l’Etat pour survivre. Cela tombe sous le sens. A défaut, les organes de presse se retrouveront bientôt sous la propriété de groupes étrangers qui disposent de capital, paieront des impôts mais seront aussi en position privilégiée de déterminer l’opinion publique et les citoyens sénégalais.
En attendant, tous les organes de presse doivent bénéficier de moratoires de paiements.
Il faut changer la loi sur la fiscalité des structures médiatiques qui fournissent des services publics en vertu d’un cahier des charges. On ne peut considérer ces structures comme de simples sociétés privées. La presse doit en faire partie, même si elle opère aujourd’hui en droit privé.
A propos du paiement des impôts, La DGID nous rappelle que sur 6 millions de travailleurs sénégalais, hormis ceux qui payent leurs impôts par retenue à la source (moins de 500 000), il y a juste 85 000 contribuables enregistrés dont seuls 25 000 payent effectivement. Ce tableau nous enseigne que le modèle fiscal en vigueur au Sénégal reflète la situation anormale et déséquilibrée de notre économie marquée par l’économie de la débrouille et la pauvreté des contribuables qui sont en grande partie des travailleurs en proie à la précarité.
Ce modèle ne parviendra jamais à supporter les besoins de financement du secteur public. Par conséquent, tout comme le modèle économique de la presse doit être revu, il faut revoir le modèle économique du financement des services publics basé sur la fiscalité pour développer notre économie.
Les sénégalais ont un pouvoir d’achat trop faible, l’Etat a aussi une capacité de mobilisation fiscale et d’emprunt trop faible alors que nos besoins d’investissement public et notre niveau de production et de consommation sont bien en deçà de notre potentiel de création de richesse. C’est l’argent qui manque.
C’est cela l’équation à résoudre. Il faut une réforme du système de financement de l’économie au Sénégal pour que les sénégalais puissent travailler tous et payer leurs besoins et ceux des services publics. Sans cela, la presse et les structures privées seront en majorité défaillantes.
Amadou Gueye, Président de l’UNIS, contact : 77 661 5772