Le sacre, au bout des efforts, valorise le mérite et met en relief le talent. Loin d’une hypothèse de recherche, ce propos renseigne, à suffisance, sur la victoire des Lions du Sénégal qui toisent l’Afrique d’un regard rageur.
Pour en arriver au résultat voire sacre, que d’intrants mis en jeu dans une aire de la Téranga, où les défis étaient énormes. D’abord, la prise en charge des petites catégories, avec la multiplication des écoles de football, pour enseigner les fondamentaux d’un jeu évolutif. La permanence du championnat, où les signes du début du professionnalisme, sont balbutiants. L’ouverture vers des binationaux, pour densifier le jeu de l’équipe. La réhabilitation des stades régionaux, pour un jeu de qualité et aux normes. La construction/finalisation d’un stade omnisport qui fera encore la fierté du Sénégal. La présence de l’équipe fédérale aux côtés des Lions, pour une proximité affective. La mise à disposition de ressources, par l’Etat du Sénégal, au staff de l’Équipe, pour une participation à la 33ième CAN, digne de nom : vols spéciaux, primes assurées, condition d’hébergement multi-étoilée et surveillance accrue pour un respect des codes de conduite. Enfin, le recours à l’historicité portée par El Mansour Mbaye aux Lions, pour sublimer les valeurs du Jom, du Fiit et de l’honneur. Je passe sous silence, le mental bétonné des Lions, les sons et décibels multiformes dans plusieurs langues, sous la férule des artistes, pour renforcer la fougue des Lions aux aguets. Clairement, les intrants qualitatifs sont mis en place pour arriver aux extrants souhaités par le peuple et voulus par les Autorités.
Au moins, deux extrants me semblent pertinents dans la chaîne des résultats des Lions. D’abord, « les capacités intrinsèques des lions sont disponibles pour gagner le trophée ». Certes, à la CAN, les valeurs techniques ne suffisent pas, c’est pourquoi, dans le tréfonds des Lions se trouvent des valeurs intrinsèques marquées par la dignité, le respect de l’Autre et la maîtrise de soi. Ces Lions-là ont un comportement qui tranche d’avec celui des stars. Ils sont d’une humilité déconcertante, d’une simplicité légendaire dans le jeu, sans artifice et sans fard. Ils croient en eux-mêmes, en leur destin, en leur jour. Le jour J.
Ensuite, « l’environnement des Lions est favorable pour apporter du bonheur aux sénégalais ». Dans un jeu collectif comme le football, l’environnement sublime. Il n’est point besoin d’être un footballeur pour comprendre les enjeux socio-politiques et économiques énormes qui enveloppent le football. Ces Lions-là sont dans des championnats huppés et y jouent un rôle important. Les conditions de la CAN ont été apprivoisées très vite par des Lions habitués aux enjeux des grands évènements. Évoluant dans des sphères très professionnelles, avec des contrats très juteux et des perspectives réelles, ces Lions-là, ont « décomplexifié » la CAN, de par leur attitude et leur jeu. Ils nous ont montré qu’ils savaient apporter du bonheur aux sénégalais.
Si les capacités intrinsèques sont réelles et l’environnement des lions favorables pour apporter du bonheur aux sénégalais, le seul produit qui vaille est « l’étoile sur le maillot des lions est atteinte ». C’est fait. C’est la folie. Entre le pénalty raté par Sadio, Nanthio, et le pénalty marqué par Mané, que de récits heureux sur la disposition tactique de l’équipe, de stress porté par des jeunes, des moins jeunes, des Autorités, des chômeurs, des érudits et des « bodio-bodio », que de joies et des larmes versées par des femmes et des hommes de la Casamance, du Sine-saloum, du Ferlo, du Diambour, du Cayor, du Baol, de la Diaspora. Ce produit obtenu a fait bouger les lignes. Dans tous les sens. J’ai vu des hommes sortir de leur maison aux parcelles assainies, à la médina, à Guédiawaye, Rosso, pour dire « nous allons au Sénégal ». Mais où se trouve le Sénégal ? C’est la folie. Cette folie communicative est l’œuvre d’un produit attendu depuis 61 ans.
Au regard du seul produit que nous ne développons par souci de synthèse, il me semble que deux effets sont aussi identifiés. Le premier effet est « l’ascendant psychologique du Sénégal sur les autres équipes africaines est réel ». Le Sénégal va affronter, dans une double confrontation, l’Égypte, au mois de mars. Quelle ascendance psychologique, pour mettre le pays dans l’apothéose et une hystérie collective. Cette ascendante renforce notre statut de première nation de football en Afrique. C’est du mérite qui a un sens dans notre pays. Une belle leçon s’offre à tout le monde. Le regard porté par les Sénégalais sur le football va radicalement changer dans ce pays.
Le deuxième effet est « la remobilisation des sénégalais autour de l’Équipe est bénéfique à la géostratégie du Sénégal en Afrique ». Les chefs d’Etat africains vont voir d’un autre regard le chef de l’Etat sénégalais, du fait que son mandat africain coïncide avec le sacre sénégalais. C’est le football qui transcende les clivages politiques qui s’atomisent. L’image des Sénégalais euphoriques parcourant les rues de boucotte en Ziguinchor est révélatrice d’un dessein unificateur de tout un pays, au moment où le mouvement irrédentiste se signale par des soubresauts. Une accalmie durable sera notée. Des Champs Élysées à la rue 6 de la médina, les manifestations de joie consacrent une union sacrée autour de l’équipe et ouvrent des perspectives immédiates sur l’essor du tourisme, de l’économie locale et de l’investissement direct étranger. Un lien entre le développement économique et la victoire des lions est vite établi, pour affirmer qu’au-delà du football, c’est la cristallisation des enjeux politico-économique qui se trame derrière cette victoire. Le peuple sénégalais a des raisons d’espérer en l’avenir.
L’impact, en dernière instance, est que « le football contribue à la lutte contre le chômage des jeunes dans notre pays, à travers une meilleure prise en charge par les Autorités ». Au moment où le chômage des jeunes fait rage, au moment où les jeunes en recherche de premier emploi ont fait abstraction de leur profond désir d’emploi, au moment où les homme politiques se donnent la main, au moment où le Sénégal est à l’unisson, les Autorités doivent saisir les immenses possibilités de l’industrie du sport en général, et du football, en particulier, pour réduire le chômage des jeunes.
Si, telle une métastase, nous adoptons une chaîne de résultats dans toutes nos initiatives, alors le Sénégal ne s’en porterait que mieux.